Entretien avec Caroline Koussemon, une crocheteuse béninoise aux doigts de fée
Il est difficile de déterminer l’origine tant temporelle que géographique du crochet. Le crochet daterait des siècles lumières et serait apparu en Europe au XVIIIe. Mais pour beaucoup, il pourrait provenir de l’Asie ou de l’Amérique.
Le crochet est une aiguille munie d’une encoche à l’une de ses extrémités qui sert à travailler la laine ou le coton, pour la réalisation de divers ouvrages. Cette activité humaine a connu diverses mutations. Des périodes de succès dans l’industrie de la mode et d’autres où elle était simplement une activité artisanale.
En effet, le crochet a connu un franc succès à partir du XXe siècle, notamment en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en France. Il va décliner pendant la période de l’entre-deux-guerres (1918-1939) avant de revenir à la mode à partir de 1940, et cette fois avec des caractéristiques modernes.
L’Afrique n’est pas restée indifférente aux charmes des ouvrages réalisés à partir du crochet. D’ailleurs, elle s’est instruite des procédés et techniques de la matière. Au Bénin, mon pays, certains jeunes s’intéressent au métier. C’est le cas de Caroline Koussemon, une jeune fille qui s’est lancée dans le crochetage sans prérequis mais dont les réalisations sont époustouflantes.
En fin de formation à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) du Bénin, Caroline Koussemon se distingue comme l’une des jeunes artistes passionnées du crochetage au Bénin. Pour donner plus d’impact à son activité, elle a créé Line Crochet, une entreprise à qui elle donne progressivement vie. Aujourd’hui, elle m’a fait honneur en me faisant part de ses expériences, ses réalisations, ses difficultés et ses espoirs dans ce métier qui le passionne tant.
Une jeune passionnée
Bonjour Caroline. Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Caroline Koussemon, et je suis étudiante en fin du cycle I à l’Ecole Nationale d’Administration du Bénin. Je prépare une licence en Diplomatie et Relations Internationales et j’adore crocheter.
Lors de mes recherches, je me suis rendu compte que l’origine du crochet demeure incertaine. Auriez-vous des précisions à nous donner à ce propos ?
L’origine du crochet, comme vous l’avez dit, demeure incertaine. C’est soit en Asie ou en Europe que le crochet a vu le jour. Toutefois, on peut le situer aux début du XVIIIe siècle car le crochet (l’outil) est apparu en Europe à ce moment. Mais c’est au XXe siècle qu’il va être plus connu de tous.
Vous êtes une diplomate de formation. Comment êtes-vous devenue crocheteuse ?
Je n’aurais jamais imaginé un jour devenir crocheteuse. Un matin, je me suis réveillée et l’envie m’a pris. Cependant, je ne connaissais personne dans mon entourage qui crochetait. Je n’y connaissais rien. Même pas à quoi ressemblait le crochet. Mais je connaissais les fils de laine. J’ai quand même décidé de m’y lancer. Alors guidée par mon instinct, je me suis rendue au marché le plus proche et je me suis procuré le crochet et des pelotes de laine. C’est à cet instant que j’ai su qu’il y avait plusieurs numéros de crochet. Ensuite, j’ai commencé à m’exercer, et à utiliser le crochet en faisant des chaînettes et des bracelets brésiliens. Au début ce n’était pas facile mais j’y suis arrivée avec le temps.
Le crochetage, un métier de la mode
En quoi consiste le crochetage ?
Le crochetage consiste à créer à l’aide du crochet et du fil de laine, des ouvrages pour l’habillement. Il peut s’agir de vêtements pour bébé, enfants et adultes. Mais ce n’est pas tout. On peut aussi réaliser des ouvrages pour la décoration en faisant du crochetage. Par exemple, on peut réaliser des nappes et chemins de table, des dessous de verre ou de plat, le tout en crochetant. Cela consiste à faire passer le fil au-dessus du crochet, en le faisant entrer et ressortir.
Quels sont les outils que vous utilisez pour la confection de vos ouvrages ?
Les outils que j’utilise pour la confection des tenues et autres ouvrages sont le crochet, le centimètre, une aiguille à coudre, une paire de ciseaux, des marqueurs (comme une épingle de sûreté par exemple) et une larme en cas de besoin.
Vous avez créé » Line Crochet », pouvez-vous nous dire ce qui vous a motivé à fonder cette entreprise ?
J’ai créé cette entreprise pour me faire connaître par tous et aussi pour donner un nom particulier à mon activité. J’ai alors eu comme inspiration Line Crochet. Line étant le diminutif et le suffixe de mon prénom et crochet étant l’outil de travail pour donc simplement signifier que les réalisations proviennent de chez Line et de mon/mes crochets. J’ai l’intention d’aller loin et comme toute entreprise, il me fallait un nom pour mon établissement.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans ce métier ?
Déjà, je suis une amoureuse des couleurs et de l’art. Le fait de juste voir les pelotes de laine en plusieurs couleurs me rend joyeuse. Et aller jusqu’à créer diverses œuvres avec me fait chavirer le cœur. J’adore voir les idées de création en couleurs.
Un métier pas sans difficulté
Pouvez-vous nous parler des difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de cette activité ?
Mes difficultés dans l’exercice de cette activité se trouvent dans la réalisation même des ouvrages. D’abord il faut maîtriser les bases du crochet pour pouvoir bien réaliser les œuvres. Ensuite, il faut la concentration au cours de la réalisation pour ne pas avoir à tout reprendre. Il suffit de mal crocheter une rangée pour se retrouver dans la nécessité de défaire les mailles pour revenir jusqu’au niveau où l’erreur est constatée. Cela m’est déjà arrivé et c’est parfois énervant. Ça peut arriver à un débutant comme à un expert. Aussi, il est difficile d’adopter une seule position pendant que l’on crochète. En réalité, on a très souvent mal, soit au cou soit au dos. Quelle que soit la position adoptée, on a généralement mal à des parties du corps, aux doigts surtout. Chose normale parce qu’ils sont toujours en mouvement.
Comment arrivez-vous à faire connaître vos réalisations et à les écouler ?
J’arrive à faire connaître mes réalisations et à les écouler par le biais des amis, des clients, des proches et grâce aux réseaux sociaux. Je dirai que c’est surtout grâce aux différents réseaux sociaux en particulier Facebook, Instagram et Tik Tok que j’arrive à donner de la visibilité à mes réalisations et à les écouler.
Avez-vous du soutien dans l’exercice de cette activité ?
Oui, j’ai assez de soutiens dans l’exercice de cette activité. Il y a mes parents qui me soutiennent, les amis et même des gens que je ne connais pas qui m’encouragent sur les réseaux sociaux.
Des perspectives positives
Pensez-vous que le crochet à de beaux lendemains au Bénin ?
Oui, je pense que le crochet a de l’avenir au Bénin. Déjà, il y a de plus en plus de jeunes filles qui s’intéressent à la chose. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est qu’à l’occasion de la Journée mondiale du tricotage et du crochet, qui s’est tenue le 13 juin passé, la chaîne nationale, l’ORTB a passé un élément sur deux jeunes filles qui exercent le métier. Cela m’a énormément fait plaisir. C’est la preuve que nous qui crochetons, nous ne sommes pas mis à l’écart et que notre travail est reconnu et apprécié. Et laissez-moi vous dire que très bientôt, le crochet va prendre de l’ampleur. Beaucoup commenceront à crocheter au Bénin.
Un mot de fin à l’endroit des jeunes femmes de votre génération ?
Mon mot de fin à l’endroit des jeunes femmes de ma génération est que rien n’est impossible quand le dévouement, la persévérance et le courage sont réunis. Si vous avez un rêve, faites tout pour le réaliser. N’abandonnez pas parce que les difficultés sont énormes ou parce que vous n’avez pas le résultat que vous souhaitez avoir, ou à cause de l’échec. Par contre, tenez bon, battez-vous pour vos rêves, vos projets et le succès finira par être vôtre.
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