Et elle courut !

C’était un soir. Je revenais d’un séminaire. Sur ma guimbarde, j’allais lentement mon chemin. Rien d’urgent à faire, je n’avais aucune raison de filer. La fraicheur de l’air ambiant me faisait sentir comme au bord d’un océan. Tel un enfant sur le dos de sa mère, je ne me souciais pas de la longueur du chemin. Je roulais au gré du bon vent qui me passait le corps en me donnant de légers frissons. Je me voyais dans les grâces de notre sympathique « mère nature » qui rafraichissait ma joie de vie.

Mais d’un coup, toutes ces douces sensations me quittèrent. En effet, dans un coin de rue, j’aperçois une fillette, assise au sol tout en larmes. Elle avait tellement pleuré que ses yeux s’étaient gonflés. La scène ne me laissa pas indifférent. A-t-elle perdu l’argent de sa mère ? Qui l’a frappé ? D’où vient-elle ? Autant de questions qui me venaient à l’esprit. Avec toute ma bonne foi, j’entrepris de ralentir et de me rapprocher d’elle. Cependant, je n’avais même pas encore éteint mon moteur, qu’en voyant que je venais vers elle, elle se leva aussitôt et se mit à courir. J’étais stupéfait. Qu’est-ce que cela voudrait bien signifier ? Pouvez-vous me l’expliquer ? Dans tous les cas, je vous laisse découvrir ce qui en est.

La méfiance nouvelle chez les enfants

D’ordinaire, la plupart des enfants sont méfiants envers les inconnus. Il est rare de voir des gosses en l’absence de leurs parents s’approcher de personnes qu’ils ne connaissent pas, surtout dans la rue. C’est un fait normal et compréhensible dans mon milieu. Toutefois, leurs craintes se sont accentuées ces dernières années. Les enfants sont devenus beaucoup plus méfiants. Aujourd’hui, ils fuient les inconnus non pas parce qu’ils ne les connaissent pas mais parce qu’ils les considèrent comme de potentielles personnes malfaisantes. Mon expérience avec cette fillette en est un exemple éloquent.

Suivant une démarche sociologique, on pourrait chercher à comprendre les fondements de ce comportement observé chez les enfants dans la plupart des sociétés africaines, en particulier au Bénin. Évidemment, ce serait mener une longue et minutieuse étude. Mais déjà, on peut s’accorder sur le fait que tout part des déviances observées au sein de la société. Dans un environnement marqué par des actes d’enlèvement et de disparitions d’enfants, il y a de quoi justifier la psychose des populations et cette grande méfiance des enfants

En effet, dans les cas enregistrés, les enfants « enlevés finissent presque toujours leur vie, leurs corps vidés de leur sang et avec un ou plusieurs organes mutilés ». Ces actes abominables sont une grave atteinte au droit à la vie et à la dignité humaine. Ils empêchent les enfants de s’épanouir au sein de la société.

Par ailleurs, dans mon milieu, les parents sensibilisent les enfants sur les dangers du dehors et sur la conduite à tenir pour ne pas en être victime. En rendant visite à une amie, il m’est arrivé par exemple d’entendre une dame qui disait à son fils de 14 ans : « sur le chemin, ne monte pas dans un véhicule qui vient se garer près de toi », « ne ramasse jamais pour quelqu’un objet tombé » ou encore « ne monte pas sur un quelconque taxi-moto ».

En réalité, ce sont là les principaux modes opératoires de ces « sous-hommes » qui n’ont aucun égard à la sacralité de la personne humaine. Il y a trois (3) mois, une tentative de sacrifice de mineurs à des fétiches a été déjouée à Possotomè (Bénin). À l’affût du gain facile et pour le pouvoir, des hommes sont prêts à commettre des crimes rituels. Quelquefois, des adultes en sont aussi victimes.

Enfin, pour ce qui de la réaction de cette fillette que j’ai voulu aider, vous l’aurez compris. Elle m’a visiblement pris pour un voleur d’enfants. D’ailleurs, je pense avoir eu de la chance. Et si elle s’était mise à crier, appelant au secours ? Je ne voudrais même pas imaginer la suite. En somme, SOYONS PRUDENT !