L’école, un danger pour les apprenants du nord Nigéria

Article : L’école, un danger pour les apprenants du nord Nigéria
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10 juin 2021

L’école, un danger pour les apprenants du nord Nigéria

Au Nord du pays le plus peuplé d’Afrique, il fait tout sauf bon-vivre. Avec ses 200 millions d’habitants, le Nigéria fait face à une grave crise sécuritaire. Attaques, enlèvements, tueries, dont les acteurs et instigateurs sont les divers groupes armés qui sèment terreur et désolation sur les populations. Dans le drame qui se joue dans cette région du pays, les plus vulnérables sont les apprenants dont les établissements sont devenus des cibles. Conséquence, l’éducation est hypothéquée dans cette région où d’ordinaire, très peu d’enfants vont à l’école.

Des rapts en série

Les enlèvements de masse sont devenus monnaie courante dans plusieurs Etats du Nord Nigéria notamment à Borno, Kano, Kaduna et Zamfara. En 2014, Boko Haram avait donné le ton avec le kidnapping très médiatisé de plus de 200 lycéennes à Chibok dans l’Etat de Borno. Ce rapt a suscité l’émoi de la communauté internationale et favorisé l’émergence du hastag #BringBackOurGirls. Depuis lors, la rhétorique de cette secte islamique inspire d’autres groupes armés qui ont recours à des enlèvements de masse et à des pillages.

Photo byaimeevia Iwaria

 La nouvelle série de rapt a démarré en décembre 2020 avec l’enlèvement de plus de 300 garçons de leur pensionnat à Kankara dans l’Etat de Katsina. Et comme ce n’était qu’un début, en février 2021 et cette fois dans l’Etat de Zamfara, 279 adolescentes  ont été enlevées dans une école primaire publique. On aurait cru qu’avec cette récurrence d’actes de « banditisme », les forces de sécurité nigériane prendraient effectivement la mesure de la situation. Mais hélas ! L’état sécuritaire de la région s’est aggravé au fil des mois. La toute récente attaque criminelle s’est déroulée le dimanche 30 mai dernier et a visé l’école privée musulmane Salihu Tanko, situé dans le centre-nord. Le nombre d’enfants enlevé par les ravisseurs est estimé à 100 sur les 200 apprenants qui se trouvaient dans l’école pendant l’attaque. Par ailleurs, ces enlèvements donnent généralement lieu à  des négociations entre les autorités et les ravisseurs qui demandent généralement de fortes sommes avant tout accord de libération. De décembre 2020 à mai 2021, plus de 700 apprenants ont été enlevés. La situation est loin d’être sous contrôle et risque d’empirer dans les mois à venir.

Aller à l’école ou vivre ?

En principe, personne ne devrait être obligé à choisir entre l’éducation et la mort. Mais au Nord du Nigéria, ce choix s’impose comme une nécessité de survie. En effet,  l’école est une véritable source d’insécurité et de danger pour les apprenants de cette région du pays. Boko Haram fait partie des nombreuses causes à l’origine de la décadence de l’éducation dans le Nord,  une région qui d’ordinaire affiche un taux élevé d’enfants non scolarisés. « Entre 2009 et 2015, ses attaques ont détruit plus de 910 écoles et ont forcé la fermeture de 1500 autres. » Aujourd’hui encore, les attaques répétitives menées par d’autres groupes armés contre les infrastructures de l’éducation empêchent beaucoup d’apprenants à poursuivre leurs études. Même les parents résistent à l’idée de permettre à leurs enfants de se rendre à l’école.

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Selon Amnesty International, « dans les Etats de kano, Kaduna, Zamfara, Jigawa et Katsina, 600 écoles ont été fermées en raison de la difficulté d’apporter une réponse sécuritaire à la menace ». Cette situation constitue un double traumatisme surtout pour les filles qui seront d’avantages exposées aux mariages précoces.

La responsabilité des gouverneurs du Nigéria dans cette crise sécuritaire

En réalité, le fait de négocier avec les groupes armés traduit de façon éloquente la défaillance systémique de la politique sécuritaire adoptée par les gouverneurs des Etats du Nord Nigéria. C’est la preuve de leur incapacité à anticiper les attaques ou à les déjouer. Dans cet ordre d’idées, Il faut reconnaître que le paiement de rançons est la principale source d’inspiration et de motivation de ces groupes armés qui n’ont de scrupule à récidiver. Et d’ailleurs, c’est ce motif qui justifie la recrudescence de cas d’enlèvements. Malheureusement, la plupart des gouverneurs sont plus enclin à satisfaire les exigences pécuniaires des ravisseurs. Ce qui ne fait qu’alimenter la crise.

A ce propos, le Président Muhammadu Buhari a invité les gouvernements des Etats à revoir cette politique qui consiste à récompenser les leaders des groupes armés.

Une crise toutefois possible à maîtriser

Ici, nous nous permettons de suggérer des pistes de solutions pour juguler cette crise sécuritaire. Dans un premier temps, il serait souhaitable d’amener les leaders des divers groupes armés à devenir, conjointement avec les forces régulières, les chargés à la sécurité des biens et personnes. La deuxième approche de solution consisterait à sécuriser toutes les écoles. En un mot, il s’agit d’employer de grand moyen pour faire de chaque école une citadelle. Enfin, la dernière piste de solution qui s’inscrit dans la logique de la deuxième va consister à  rechercher et fermer tous les circuits d’approvisionnement en support logistique de ces groupes armés généralement mieux équipés. En supposant que vous êtes un expert, que proposeriez-vous aux gouverneurs des Etats du Nord-Nigéria pour écarter définitivement les menaces à la sécurité des biens et des personnes ?

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Commentaires

Judith
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Merci pour cet article

Jean-Claude HOUESSOU
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OK D'accord