Pegasus, l’arme de l’espionnage transnational

Article : Pegasus, l’arme de l’espionnage transnational
Crédit: Iwaria
21 juillet 2021

Pegasus, l’arme de l’espionnage transnational

C’est une avancée notable pour l’intelligence artificielle, mais une grande menace pour l’humanité. Ce dont nous parlons est d’une ingéniosité terrible et sans équivalent. Rien ne lui échappe, peu de chose lui résiste. Il voit tout, entend tout et semble anticiper sur tout. On pourrait par exagération le comparer à l’œil de Dieu. Lui, c’est le Pegasus. Mis au point par une société de surveillance israélienne du nom de NSO Group, le Pegasus semblerait bien être la plus sollicitée des technologies d’espionnages du XXIe siècle.

En effet, après une enquête menée par un consortium international de journalistes, Forbidden Stories, il a été révélé l’utilisation à d’autres fins de ce logiciel espion, par une dizaine de gouvernements dans le monde.

Loin de faire l’apologie de ce logiciel malveillant, il s’agira plutôt ici d’aborder la question de son usage par certains gouvernements et des conséquences qui en découlent de façon particulière, sur l’une de ses cibles potentielles que sont les journalistes.

L’utilisation généralisée de Pegasus

Les révélations faites dans le cadre de ce scandale de cyber espionnage semblent plus graves que celles du Watergate aux États-Unis ou celles de l’affaire Snowden. En effet, la surveillance dont il est question dans cette nouvelle affaire d’espionnage est transnationale. Loin d’être « l’apanage d’un pays aux pratiques déviantes », elle « concerne tous types de nations ». D’ailleurs, plusieurs Etats ont été épinglés par Forbidden et ses partenaires d’avoir utilisé cette technologie à d’autres fins. Il s’agit notamment de l’Azerbaïdjan, du Bahreïn, de la Hongrie, de l’Inde, du Kazakhstan, du Mexique, du Maroc, du Rwanda, de l’Arabie saoudite et des Emirats Arabes Unis.

En effet, l’enquête a révélé que ces Etats ciblent leurs propres concitoyens ainsi que d’autres personnalités à l’extérieur de leur pays. Dans les rangs de ceux-ci, on note des avocats, des diplomates, des médecins, des sportifs, des hommes politiques et des journalistes. 

De telles révélations nous amènent à assimiler l’espionnage comme un domaine de non-droit où les « Mozart » de l’informatique, sous le couvert ou non d’une quelconque autorité, peuvent agir sans foi ni loi.

Pegasus, une menace pour les professionnels des médias  

De notre point de vue, nous estimons que les journalistes sont les plus exposés à la menace du logiciel Pegasus. Déjà parce que leur travail consiste à rechercher l’information, à faire son traitement et ensuite à assurer sa diffusion. Le journaliste tenu par son devoir d’informer, ne peut se limiter aux traitements de ce qui est acte ou fait positif. Il a aussi l’obligation morale et professionnelle de dénoncer les faits négatifs lorsque ces derniers sont avérés. Et souvent, quand il le fait, il peut s’attirer des ennemis, surtout dans le rang des pouvoirs politiques.

Cette menace est encore plus grande pour les journalistes d’investigation qui naturellement prennent des risques dans l’exercice de leur métier. Et quand on sait que les Etats qui font recours à ce logiciel sont connus pour leur politique répressive en matière des droits de l’homme et contre les journalistes, il y a raison de déposer le micro, la caméra ou le stylo et de s’inquiéter, ne serait-ce pour un laps de temps avant de continuer.

Photo by Medsile by Iwaria

En effet, dans son investigation, le consortium a analysé une liste de plus de 50.000 numéros de téléphones sélectionnés par les clients du NSO Group depuis 2016 pour une surveillance potentielle. Parmi les numéros ciblés, plus de 180 appartiennent à des journalistes. Certains de ces journalistes sont actuellement en prison, à l’exemple d’Omar Radi accusé officiellement d’atteinte à la sécurité de l’Etat au Maroc. D’autres ne sont plus en vie. C’est le cas de Cecilio Pineda, assassiné en mars 2017 au Mexique, quelques semaines après que son numéro soit apparu sur la liste. Il en est de même pour le journaliste Saoudien Jamal Khashoggi, assassiné en octobre 2018 dont les résultats de l’enquête du consortium ont révélé que les numéros de certaines personnes de son entourage et de sa famille ont été sélectionnés sur la liste des cibles potentielles après son meurtre.

Tous ces cas nous permettent d’affirmer sans risque de nous tromper que le logiciel Pegasus est une menace à la démocratie, vue sous les angles de la liberté de la presse et de la protection des professionnels des médias. Il serait donc temps que les leaders du monde s’accordent pour adopter une rigoureuse réglementation aux marchés de vente de logiciels d’espionnages qui jusqu’ici, fonctionnent sans réel encadrement.

Quid d’une possibilité de tensions diplomatiques 

Les révélations de l’enquête menée par le consortium pourraient constituer des précédents à de vives tensions diplomatiques. Déjà que des diplomates et d’autres personnalités étrangères figurent parmi les personnes ciblées, la probabilité est forte de voir leurs gouvernements demander des explications à leurs homologues. Toutefois, il faut remarquer que certains Etats nient avoir utilisé cette technologie aux fins énoncées par le consortium dans son enquête. Il serait donc difficile de spéculer sur les prochaines proportions de ce scandale. Mais pour ce qui semble évident, c’est que cette affaire est à suivre…

Partagez

Commentaires

Jordi
Répondre

Bel article.
Tout finira par se savoir, la technologie ne surpassera jamais l'homme

Nello
Répondre

Article instructif ?

Nelly
Répondre

A l'ère où nous sommes la technologie prends le pourvoir ou même a pris le trône de l'organisation de la vie en société

Jean-Claude HOUESSOU
Répondre

La technologie est devenue incontournable à notre ère. Mais il faudrait quand même restreindre l'utilisation de certains outils technologiques pour éviter les situations de ce genre. J'espère que les vaccins anti-covid ne sont pas trafiqué par le logiciel Pegasus... Rire ?