Burkina Faso : faut-il sauvegarder la démocratie ou sauver le pays ?

Article : Burkina Faso : faut-il sauvegarder la démocratie ou sauver le pays ?
Crédit: Wikimedia Commons
1 février 2022

Burkina Faso : faut-il sauvegarder la démocratie ou sauver le pays ?

Une tempête se lève à nouveau en Afrique. Elle est l’implacable conséquence de la gestion hasardeuse des chefs d’État qui passent leur temps à semer du vent. Des peuples déjà fragilisés par les effets du changement climatique et de la Covid-19 y payent un lourd tribut. Le cas récent du Burkina Faso l’illustre à suffisance. Ils sont des milliers de civils à tomber. De millions d’autres à fuir pour sauver leur vie. Tous espéraient une réaction énergique de la part des autorités. Hélas ! Les tempêtes sont devenues récurrentes et chaque fois avec des bilans lourds. C’était devenu évident. L’État avait failli et par endroits n’existait même plus.

Trois soldats de l'armée du Burkina-Faso
Credit : AIMEE via IWARIA

La cohorte des mécontents allait croissant. Militaires et civils étaient excédés devant un ennemi impitoyable et résilient. Alors, viendra ce moment où, faisant siennes les aspirations du peuple, l’armée se leva pour déposer l’exécutif. Ils sont applaudis par le peuple longtemps abusé et désespéré. Cependant, cette démonstration de force est mal appréciée des instances d’intégration de la région. Comme tous s’y attendaient, le pays est suspendu de la Communauté et de l’Union. L’exigence fondamentale : rétablir d’urgence l’ordre constitutionnel. Mais, à quel prix ? Rétablir un soi-disant ordre pour un retour à l’anormal ? Quel sera le sort du peuple burkinabé, grande victime de cette crise socio-politique ? Autant d’interrogations qui méritent intérêt.

Une crise sécuritaire aggravée

Cette crise sécuritaire menace l’existence même du Burkina Faso. Ces dernières années, les groupes djihadistes ont gagné en puissance sur le territoire du pays. Des pans entiers du Burkina Faso sont passés sous le contrôle de groupes terroristes. Ils martyrisent les populations habitants lesdits territoires. En l’espace de 7 ans, ces groupes ont fait plus de 2000 morts et 1.5 millions de déplacés. Les récentes attaques des mouvements djihadistes, la plupart affiliés à Al-Qaida, ont exacerbé le sentiment anti-Kaboré. L’exaspération de la population et des hommes au front a conduit à ce putsch. Ce coup de force prévisible et pourtant réussi prouve à suffisance la fragilité du régime en place.

des soldats djiboutiens
Credit : AMISON via IWARIA

Dans ce triple contexte politique, sécuritaire et social délicat, il est quand même étonnant de voir que les organisations d’intégration politique et/ou économique du continent s’accentuent uniquement sur le seul volet politique, exigeant donc un retour accéléré à l’ordre constitutionnel. Attendu que la logique de ces ensembles régionales et sous-régionales est fondée sur le respect des grands principes démocratiques, ils n’ont pas tort. Cependant, il faut tout de même remarquer que le Burkina Faso n’était pas dans une situation normale. En l’état donc, il est hors proportion d’exiger des autorités militaires un retour « IMMÉDIAT » à l’ordre constitutionnel. « Il faut des élections, il faut la démocratie mais si ça ne donne pas de résultats, à quoi ça sert  » . Grosse préoccupation.

Évidemment, il est important de repenser la stabilité institutionnelle du Burkina Faso et de restaurer l’ordre constitutionnel. Mais cela ne devra pas se faire à la va-vite et indépendamment du défi sécuritaire du pays. La situation est telle que l’enjeu n’est pas « simplement la sauvegarde de la démocratie « . C’est également et surtout « la suivie du pays  » . Cela suppose que l’on tienne compte à toutes les étapes de la transition du sort des populations.

Pour les Burkinabés, seules la vie et la sécurité importent

Qui pourrait en vouloir à tous ces peuples du continent qui sont prêts à accepter tout nouveau régime, qu’il soit militaire ou non, si lesdits régimes portent leurs aspirations. Dans le cas du Burkina Faso, doit-on exiger du peuple d’attendre de mourir dans un pays qui serait resté démocratique jusqu’à sa désintégration ? Nous pouvons avoir différentes opinions sur cette interrogation. Néanmoins, il est évident qu’aucun civil n’accepterait de mourir gratuitement parce qu’un pouvoir aurait été sur la durée incapable de le protéger ou de le défendre.

Personnes âgées résidant au Burkina Faso
Credit : Wikimedia Commons

La multiplication des actes de violence djihadiste depuis 2015 est indicatrice du traumatisme permanent du peuple burkinabé. Ce choc psychique répété a fait que la population est disposée à soutenir toute initiative révolutionnaire porteuse d’espoir de changement. Faut-il encore souligner que ce peuple a plus que jamais besoin d’être en sécurité et de renouer avec une vie normale. Tous ces dirigeants d’organisations qui s’entendent pour sanctionner le Mali, la Guinée et tout récemment le Burkina Faso semblent bien insensibles au sort des populations de ces pays qui, en réalité, sont les plus affectées. Il faut bien chercher à savoir si une organisation comme la CEDEAO a déjà prouvé une capacité à aider les pays où sévit le terrorisme à en découdre avec le phénomène. Eh bien, le constat montre qu’elle n’a enregistré aucune prouesse en ce sens ces dernières années. Autrement, son intransigeance envers ces États serait fondée.

Un coup d’État peut-être salvateur

Si les coups d’État sont réputés engendrés ou aggravés des situations d’instabilité ou d’insécurité institutionnelle, il faut tout de même remarquer que l’instabilité et l’insécurité au Burkina Faso avaient déjà atteint des proportions très graves et inquiétantes avant l’occurrence même de ce coup de force. Cela dit, ce ne serait pas trop demander à l’Union Africaine et à la CEDEAO d’accorder le bénéfice de la bonne foi aux autorités de transition du Burkina Faso. En réalité, lorsqu’on analyse objectivement les faits et les différents enjeux, on se rend aisément compte que sauver le peuple, c’est aussi sauvegarder la démocratie alors que l’inverse ne paraît pas si vite évident. Il faut donc prendre le chemin qui porte d’emblée la garantie du dégel.

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